Saint Denys Garneau

Sa famille

Né le 13 juin 1912 à Montréal, Hector de Saint-Denys Garneau est le deuxième enfant d’Hermine Prévost et Paul Garneau. Son père, comptable de métier, est peu attiré par la littérature. Par contre, sa mère affectionne beaucoup le domaine des arts et lettres et encourage son fils à reprendre le flambeau familial de l’écriture. Toute sa vie, Hector de Saint-Denys Garneau demeure à proximité de sa famille. En raison de ses problèmes de santé, jamais il ne travaille, ne gagne de d’argent, ou ne s’éloigne de la maison familiale.

 

L’origine de son nom

Hector de Saint-Denys Garneau hérite d’un nom chargé d’un lourd héritage aristocratique et intellectuel. Son premier prénom, Hector, est celui d’un oncle paternel. Son deuxième prénom, de Saint-Denys, est celui d’un ancêtre célèbre, Nicolas Juchereau de Saint-Denys, baron et militaire français. Son patronyme, Garneau, est celui d’une lignée dont fait partie son arrière-grand-père, l’illustre historien et poète canadien-français François-Xavier Garneau, ainsi que son grand-père, le poète Alfred Garneau. Ses proches lui préfèrent le prénom singulier de Saint-Denys, plutôt que le banal prénom d’Hector. Lui-même escamotait son premier prénom lorsqu’il signait un document. 

 

Son enfance

En 1916, le père d’Hector de Saint-Denys Garneau est contraint de laisser son poste de directeur à la Banque Royale de Montréal en raison de problèmes auditifs. Celui-ci tente alors l’expérience de l’agriculture et de l’élevage. La famille Garneau déménage donc dans un manoir ancestral, le manoir Juchereau-Duchesnay, situé sur un domaine de Sainte-Catherine-de-Fossambault. Hector de Saint-Denys Garneau y passe son enfance, jusqu’à ce que sa famille déménage à Québec en 1922, puis dans le quartier de Westmount en 1923. Le manoir devient alors le lieu de prédilection pour les vacances estivales.

 

Ses études

Le parcours d'étude d’Hector de Saint-Denys Garneau est ponctué d’interruptions et de changements d’institutions en raison de sa santé fragile. En 1923, Hector de Saint-Denys Garneau étudie au collège Sainte-Marie. En 1924, il entreprend des études en anglais au collège Loyola jusqu’en 1926. Il fréquente simultanément l’École des beaux-arts de 1924 à 1927. Enfin, il étudie au collège Sainte-Marie en 1927, au collège Jean-de-Brébeuf, de 1928 à 1930, puis de nouveau au collège Sainte-Marie, de 1930 à 1933, le tout entrecoupé de cours privés. Il doit abandonner définitivement ses études en 1934 sous la recommandation des médecins.

 

Sa santé fragile

À l’âge de 16 ans, Hector de Saint-Denys Garneau contracte une fièvre rhumatismale qui lui cause des complications cardiaques et le force à interrompre ses études au collège Jean-de-Brébeuf. Périodiquement, le jeune homme doit s'astreindre à prendre du repos. Quelques années plus tard, les médecins lui découvrent une lésion au cœur. Sa perception du monde change brutalement alors qu’il prend conscience de la fragilité de sa vie. Contraint d’interrompre définitivement ses études en philosophie, le jeune homme plonge dans l’abattement.

 

Ses amis

Au cours de ses trois années d'étude à l'École des beaux-arts de Montréal, Saint-Denys Garneau se lie d’amitié avec Marjorie Smith, Jean Palardy, Jean-Paul Lemieux et Paul-Émile Borduas. En 1930, il débute une longue correspondance avec plusieurs de ses amis, dont Robert Élie, Claude Hurtubise, Jean Le Moyne et André Laurendeau. Ceux-ci échangent leurs angoisses, leurs sentiments, mais aussi leurs découvertes littéraires et artistiques. Durant les étés 1932 et 1933, Hector de Saint-Denys Garneau joue aussi avec sa cousine Anne Hébert dans des pièces de théâtre organisées au profit de l’église de Sainte-Catherine-de-Fossambault.

 

Ses amours

Même si Hector de Saint-Denys Garneau parle quelquesfois des femmes avec affection, aucune relation amoureuse stable entre lui et une femme n’est connue à ce jour.

 

Sa poésie (pour en savoir plus...)

Hector de Saint-Denys Garneau remporte son premier succès littéraire à l’âge de 15 ans. Les Galeries Morgan à Montréal lui décernent un premier prix pour son poème « Le dinosaure » dans le cadre d'un concours ayant pour thème le brontosaure. Dès 1927, il rédige son journal dans lequel il décrit ses états d’âme et son quotidien. En 1928, il obtient le premier prix du concours de poésie de l’Association des auteurs canadiens pour son poème « Automne ». Au fil des années, sa plume se raffine et trouve ses propres couleurs. Hector de Saint-Denys Garneau adopte alors un style d’écriture libéré de la rime et des contraintes esthétiques de la poésie classique. La Revue scientifique et artistique, ainsi que les revuesIdées, Le Canada, l'Action nationale et la Relève, deviennent le véhicule d’expression de ses idées et de sa poésie. Il écrit la plupart de ses poèmes entre 1935 et 1937 et espère, par sa création artistique, être un facteur d’élévation de la beauté. En 1937, il publie à compte d’auteur un recueil de poèmes, « Regards et jeux dans l’espace », avec l’aide financière de ses parents. Premier à publier en vers libres, Hector de Saint-Denys Garneau tente d’ouvrir la poésie canadienne à l’espace de la modernité. Toutefois, la sobriété et l’esthétique de l’inachèvement de ses poèmes lui valent un accueil mitigé. Hector de Saint-Denys Garneau voit alors dans les critiques des autres la confirmation de ses propres doutes quant à son pouvoir d’agir sur la beauté du monde. Ainsi, il retire de la circulation les exemplaires de son livre et ne connaît jamais le succès. Quelques années après sa mort, son rôle de précurseur de la modernité est enfin reconnu.

 

Son voyage

Accablé par son échec littéraire, Hector de Saint-Denys Garneau décide, en 1937, de partir en France avec son ami Jean Le Moyne pour un an. Mais son besoin de fuir se transforme rapidement en un besoin d’isolement. Ainsi, il revient au manoir familial trois semaines après son départ pour s’y installer définitivement. 

 

Son rapport à la nature

Hector de Saint-Denys Garneau déteste la ville. Il y voit la mort ambulante, à travers ces choses qui ne respirent pas, qui ne vivent pas. À l’opposé, la nature de la campagne est la principale source d’inspiration de son œuvre poétique et picturale. Promeneur et observateur infatigable de la vallée de la Jacques-Cartier, canoteur inlassable du lac Saint-Joseph et de la rivière Jacques-Cartier, Hector de Saint-Denys Garneau rêve d’habiter ces paysages, de la cime des arbres au plus profond de la rivière.

 

Sa peinture

Depuis son enfance, Hector de Saint-Denys Garneau voue à la peinture un attachement particulier. À l’âge de 7 ans, il peint sa première aquarelle, un lever de lune, qu’il dédicace à sa mère. Peintre académique à ses débuts, il élève graduellement son art vers l’expression à part entière. En 1925, il fréquente Paul-Émile Borduas, Jean Palardy, Marjorie Smith et Jean-Paul Lemieux à l’École des beaux-arts de Montréal. Il y remporte d’ailleurs une médaille de bronze et un deuxième prix pour une œuvre artistique. En 1934, il expose quelques toiles à la Galerie des arts de Montréal et en 1937, il présente sa toile « Ciel en automne » au Musée des beaux-arts de Montréal. Sa peinture, souvent lumineuse, reflète bien sa passion pour les couleurs et les formes changeantes de la nature québécoise. Son regard contemplatif sur le monde l’amène donc à peindre les lieux qui l’entourent, dont la rivière Jacques-Cartier, les arbres et les maisons de Sainte-Catherine-de-Fossambault. Son oeuvre picturale ne sera redécouverte qu'en octobre 1993 à l'occasion du 50e anniversaire de la mort du poète, alors que le
Comité des ami(e)s de Saint-Denys Garneau de Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier, en collaboration avec Yves La Roque de Roquebrune, commissaire permanent de la collection de tableaux et neveu du poète, ont présenté pour la première fois l'exposition "Esquisses en plein air". Depuis, plusieurs musées consacrent des expositions itinérantes à l'œuvre picturale d'Hector de Saint-Denys Garneau.

 

Ses goûts

Hector de Saint-Denys Garneau aime profondément sa mère, ses amis, l’art, la musique, la poésie et la nature. Il se plaît à peindre, à écrire, à canoter, à se balader dans la nature, ou encore à chasser la perdrix. D’un autre côté, il aime honteusement les plaisirs charnels et sensuels de la vie, tels que l’amour physique, le tabac et l’alcool.Il écoute beaucoup de musique : Schubert, Mozart, Bach, Beethoven et Debussy. Parmi ses poètes favoris figurent entre autres Reverdy, Supervielle, Baudelaire et Verlaine. Il admire particulièrement Renoir parce que ses peintures exaltent l’hospitalité, la spontanéité, la richesse et l’épanouissement, ainsi que Cézanne, car son art célèbre la lenteur, la gravité et la rigueur. Il apprécie également le cinéma humoristique des Marx Brothers et de Charlie Chaplin.

 

Ses croyances

Comme la plupart des gens vivant à son époque, Hector de Saint-Denys Garneau adhère aux préceptes de la religion catholique. La philosophie, alors intimement reliée à la religion, est un sujet qui le passionne. Pour lui, l’écriture est un moyen d’unir la beauté de la poésie à la beauté absolue de Dieu, tout comme elle consiste en un chemin le conduisant vers la pureté de l’âme.

 

Ses tourments

Hector de Saint-Denys Garneau est tantôt rieur, lumineux et volage, tantôt taciturne, sombre et tourmenté. Tiraillé entre son désir de s’abandonner aux plaisirs sensuels et celui d’assurer la pureté de son âme chrétienne, il est souvent plongé au cœur d’un conflit moral viscéral. Il est aussi, à certains moments de sa vie, torturé par ses privilèges de noble. Il cherche constamment sa place dans la société, dans ce monde particulièrement hostile à sa poésie. Très perméable aux sentiments d’autrui, il reconnaît l’amabilité des uns, mais demeure trop sensible aux critiques des autres. Longtemps aussi, il s’inquiète du possible essoufflement de son inspiration artistique, tout comme il demeure impuissant devant l’imminent essoufflement de sa vie. 

 

Sa mort

À son retour d’Europe, Hector de Saint-Denys Garneau s’isole dans son dernier asile, sa tour d’ivoire. Il coupe tout contact avec ses relations montréalaises et le milieu littéraire. Autour du manoir, il apprivoise la forêt à grands coups de hache et la rivière à grands coups de rame. Il s’épuise physiquement pour changer en lui le mal de place. Au crépuscule d’un jour d’automne, Hector de Saint-Denys Garneau file sur la rivière en canot dans l’espoir de récupérer sa tente sur une île. Épuisé, il fait un arrêt sur la terre de Joseph-Louis Boucher, à la recherche d’un téléphone. Puis, il regagne son canot et tente de remonter la rivière. Se sentant défaillir, il fait échouer son canot sur la rive et, dans un dernier élan, avance de quelques pas, comme pour tenter une dernière fois de défier sa mort imminente. C’est ainsi que le 24 octobre 1943, Hector de Saint-Denys Garneau succombe à une crise cardiaque à l’âge de 31 ans. Cette mort tragique marquera pour toujours l’imaginaire québécois et immortalisera le poète comme un amant éternel de l'eau et de la nature.

 

L'héritage qu'il nous lègue

Malgré sa mort prématurée, Hector de Saint-Denys Garneau laisse derrière lui l’oeuvre d’une vie. Bien qu’il n’ait publié qu’un seul recueil de son vivant, les gens reconnaissent aujourd’hui sa contribution précieuse à l’univers littéraire québécois et son rôle de précurseur de la modernité. Pour lui rendre hommage, la petite municipalité de Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier a depuis quelques années aménagé le Chemin de la Liseuse, une piste cyclable qui longe la rivière Jacques-Cartier sur une distance de 13 km et qui est parsemée de poèmes d’Hector de Saint-Denys Garneau et d’Anne Hébert. Son recueil de poésie est publié par plusieurs éditeurs. Quelques-uns de ses poèmes sont même traduits en anglais et en espagnol. Depuis plus d’un demi-siècle, sa poésie est l’objet de nombreuses analyses, et depuis la redécouverte de ses peintures lors du 50e anniversaire de sa mort, plusieurs musées consacrent des expositions itinérantes à son œuvre picturale. Puisque ses qualités de poète sont depuis longtemps reconnues et que ses qualités de peintre le sont de plus en plus, l’héritage qu’il nous laisse est considérable.



31/05/2011
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